Deux fois rien

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Ainsi donc, je ne suis pas seul...

Je ne suis pas seul dans ma quête d'intimité, dans mon désir de dire sans être reconnu...

J'ai fait une bêtise je crois

Pourquoi est-ce toujours au plus mauvais moment que l'on fait les plus grosses bêtises ?

Ainsi, cette soirée était agréable, nous échangions des regards N. et moi depuis quelques minutes. Assis l'un en face de l'autre, ne participant pas à la conversation, nous levions nos verres l'un à l'autre, en silence, entre nous. Nos conjoints et les autres présents échangeaient des propos que je ne saurais rapporter ici, ni même le thème général de la discussion. Bref, je me perdais dans mes pensées et dans les yeux clairs de N.

Ça n'était pas non plus la première fois qu'il me semblait partager quelques instants avec elle. D'autre lieux, d'autres temps et déjà nous nous regardions et souriions, nous guettions la réaction de l'autre suite à une remarque, une phrase anodine pour le monde et pas si anodine pour nous. Rien de méchant, rien de bête. Jusqu'à ce soir.

Vers la fin de l'apéro, nous nous croisons à l'autre bout de l'appartement, moi à la recherche de la salle de bains, elle à sa sortie. Et plus que nous croiser, nous déposons tous deux un baiser sur les lèvres de l'autre. C'est tout. Promis. C'est bête n'est-ce pas ?

Et pourtant, je me trouve là, à la sortie de la salle de bains, dans le couloir sombre, j'attends avant de retourner au salon. Je vais la revoir, croiser son regard. Que pense-t-elle ? Que s'imagine-t-elle ? Que je vais quitter ma femme ? Que je l'aime ? Que je veux faire ma vie avec elle ? Non. Je m'emporte. Ce n'est qu'un baiser. Ce n'est rien. On peut faire embrasser quelqu'un au détour d'un couloir sans plus de conséquences non ? Que veut-elle ? Une liaison suivie ? Être ma maîtresse ? Que je lui accorde un week-end de temps en temps dans un bel hôtel et que je multiplie les voyages d'affaires pour la retrouver et passer des journées entières au lit avec elle ?

Pourvu qu'elle soit partie entre temps. Qu'elle ai prétexté un malaise, de la fatigue, un tâche importante pour le boulot. Bref, pourvu qu'elle se soit éclipsée et que je ne soit pas tenté de la regarder et de lui montrer mon état. Et si elle est partie, qu'elle ne m'attende pas pour poursuivre notre aventure. Qu'elle n'attende pas que moi également j'ai une course à faire, un ami à aller voir ou une urgence et que nous nous retrouvions au pied de l'immeuble pour sauter dans un taxi et nous rendre dans un lit pour continuer ce que nous avons commencé. Pourquoi a-t-il fallu que j'aille dans cette foutue salle de bains ? Qu'est-ce qui m'a attiré là-bas ? Elle ?

J'ai trompé ma femme. Rien qu'un instant. Et je redoute le moment où mon regard fuyant l'alertera sur mon écart, sur le bris de notre couple, la vie conjugale impossible après cette trahison. Décidera-t-elle de partir chez sa mère ? Ou me forcera-t-elle à quitter l'appartement en jetant mes affaires par la fenêtre ? Et que ferons-nous de notre enfant qu'elle porte ?

Moi C.

Je ne sais pas arriver à l'heure à une réunion. Je ne sais pas ne pas couper la parole à mes interlocuteurs. Je ne sais pas ne pas lire mes mails en réunion. Je ne sais pas me borner à parler des sujets couverts par la réunion en cours. Je ne sais pas lire un document et faire mes remarques toute seule si je ne suis pas relancée, assistée ou forcée à tenir une réunion spécifique. Mais cette dernière réunion déborde souvent sur d'autres sujets qui me passent par la tête...

Collègues

Il faut se rendre à l'évidence : C.L. est très mignonne. J. l´est aussi également. Comment ferais-je si le choix se présentait?

Mais comme il ne se présentera pas.

N. et moi

C'est une histoire un peu banale. N. et moi nous connaissions déjà depuis plusieurs années. Nous avons fait les mêmes études, bien que décalées d'une année et nos cercles d'amis se recoupaient régulièrement. Tous les deux, nous avons rencontré nos conjoints lors de nos études. Elle s'est mariée, moi pas. Nous habitions sur Paris et nous voyions régulièrement, tous les quatre ou bien avec d'autres amis communs. Nous sortions au cinéma, au restaurant, à la piscine, nous nous invitions régulièrement. Nous sommes partis également plusieurs fois en vacances ensemble : au ski, un week-end dans le sud à l'occasion d'un mariage, quelques week-ends au bord de la mer. Rien de bien extraordinaire.

Tout se serait bien arrêté là. Il a fallu qu'un élément extérieur bouleverse tout ça. Une fourgonnette blanche lancée un peu vite qui ne nous a pas vu traverser suffisamment tôt. Nous rentrions de la piscine, direction chez nous où nous allions dîner ensemble. Nous étions N. et moi en retrait, discutant de je ne sais quoi et n'étions pas encore engagés sur le passage piéton. C'est allé vite, pas de crissement de pneus comme dans les films, nos deux conjoints ont été fauchés avec un bruit sourd mêlé au son de la tôle froissée et du verre brisé. Nous n'avons pas mis longtemps à comprendre que N. était veuve. À 26 ans. J'ai passé deux heures à espéré ne pas subir le même sort. En vain.

Les enterrements ont eu lieu le même jour. Ma compagne le matin, son mari l'après-midi. Main dans la main, mon bras autour de ses épaules, elle blottie dans mes bras, en quelques dizaines d'heures nous avons traversé une avalanche d'émotions, un cyclone de faits, questions, déclarations, formulaires, lettres, condoléances. Nous avions décidé de recevoir ensemble les membres de nos familles, nos amis, tous les présents. Ça simplifiait les choses, la logistique. Pour nous mais aussi pour les eux. Et puis nous nous épaulions, nous nous occupions mutuellement l'esprit avec les formalités, les préparatifs, nous prévenions les coups de blues de l'autre en en remettant une couche, encore, puis encore.

Les derniers sont partis tard dans la nuit, ils nous ont aidés à ranger si bien que lorsque la porte s'est refermée, nous nous sommes assis sur le canapé, elle a replié ses jambes sous son corps et s'est laissée glisser vers moi. Je l'ai entourée d'un bras. Nous avons dormi là.

Le lendemain matin, je ne suis pas même repassé chez mois et je suis allé travailler. Mes collègues m'ont dit de repartir mais j'ai insisté, j'ai passé la journée plongé dans des affaires peu intéressantes mais qui avaient le mérite de m'occuper l'esprit. Je n'ai déjeuné qu'un sandwich devant mon ordinateur, principalement pour éviter de devoir faire la conversation, et je suis parti tard le soir, au-delà de tout horaire raisonnable. En sortant, j'ai appelé N., elle m'a raconté sa journée, en tout point similaire à la mienne et m'a proposé de venir dîner chez elle, les restes de la veille feraient bien l'affaire. Je l'ai donc retrouvé chez elle, nous avons dîné sans un mot, perdus dans nos pensées, j'ai lavé et rangé nos assiettes et alors que je m'apprêtais à rentrer chez moi, elle m'a demandé de rester. J'avoue que j'avais envie de rester près d'elle et elle n'a pas eu besoin de me convaincre. Elle a préparé un thé et nous avons discuté quelques heures jusque tard. Nous avons encore dormi tout habillés dans ce grand canapé.

Le lendemain, samedi, je l'ai laissée endormie, je suis rentré chez moi me changer, prendre une douche écouter un demi-message sur la bonne douzaine qui s'y trouvait. Ne voulant pas savoir la suite, j'ai raccroché l'appareil. Je suis ressorti, passé à la boulangerie et retourné chez N. Au moment où je suis arrivé, elle sortait de la douche, enveloppée d'une large serviette blanche et paraissait ravie de voir arriver des croissants, je crois que c'est le seul sourire que je l'ai aperçu esquisser pendant des semaines. Nous avons passé le week-end ensemble, coupés du monde à l'exception de ces croissants. Nous avons alterné les moments de discussion, évoquant le souvenir des disparus et les moments de silences, plongés dans nos pensées.

Les semaines suivantes, nous nous voyions presque chaque jour. Pour ma part, le jour je m'absorbais au maximum dans mon travail et en sortais abruti avec tout juste assez de jus pour rentrer dormir dans mon lit ou sur le canapé de N. Un vrai zombie. Je crois que de son coté, de ce qu'elle a pu me raconter, elle avait plus de mal à s'isoler à son travail et connaissait des moments difficiles où elle restait paralysée, incapable de faire autre chose que de penser à son homme, incapable même de répondre au téléphone s'il sonnait à cet instant, incapable de lever la tête vers la personne entrant dans son bureau lui demander un renseignement. Elle posait souvent des jours de congés au dernier moment, décidant le matin même que se lever, se doucher, s'habiller et se rendre au travail était au dessus de ses forces. Il m'est assez vite apparu que ces matins-là était plus fréquents lorsque je n'avais pas passé la nuit chez elle. En quelque sorte, me voir me lever le matin devait la motiver, elle se laissait entraîner dans un mouvement dont elle n'avait pas à être à l'origine, elle me suivait.

Pour cette raison, et aussi parce que je me sentais bien chez elle et que nous passions des moments plus agréables tous les deux plutôt que chacun de son coté, je me suis mis à dormir de plus en plus souvent chez elle. Nous avons je pense tous les deux tacitement accepté ce fait. Un événement toutefois a marqué de manière concrète cette sorte de déménagement pour moi : elle m'a confié une clé et a insisté pour que je la garde, elle voulait que je sois capable de rentrer comme chez moi, elle était consciente de l'importance qu'avais ma présence à ses yeux et voulait le reconnaître, j'étais selon elle la bouée de sauvetage qu'elle ne voulait pas perdre, pas quitter, elle voulait garder contact. Nos vies sont alors devenues notre vie. Comme un couple habitant sous le même toit, nous rentrions du travail, préparions le dîner, participions aux tâches ménagères, décidions de nos week-ends ensemble. Sans que le terme inséparables convienne tout à fait, nous ne nous séparions de fait quasiment jamais.

Assez vite aussi, elle a tenu à ce que nous partagions son lit. Elle ne voulait pas me demander d'habiter si près d'elle en me laissant la place du canapé. Elle m'a demandé de ne pas trouver cela étrange, elle m'a presque convaincu que ce n'était pas pour que nous nous rapprochions encore plus mais simplement pour mon confort physique et lui ôter ce scrupule qui lui restait lorsque je dormais dans le salon. Nous avons dormi quelques temps comme ça. Chacun de notre coté. Une certaine pudeur nous retenait toujours. Ainsi je m'efforçais de n'ôter mon t-shirt ou ma chemise qu'une fois la lumière éteinte et je l'enfilai le plus tôt possible au réveil. De son coté, elle ne se montrait en petite tenue que quelques secondes le temps d'ôter son peignoir et d'enfiler un pantalon ou une jupe et un chemisier. Ce mode de cohabitation a duré plusieurs mois. Nous étions nous même surpris de nous entendre si bien, peu à peu nous avons remonté la pente, notre moral s'est relevé et le fait de partager notre deuil nous permettait de nous soutenir réciproquement sans devoir exprimer notre compassion. Celle-ci allait de soit.

Un samedi matin, d'un mouvement, nous avons pourtant franchi un pas que je qualifie encore aujourd'hui de dangereux.

Une grasse matinée par un temps de printemps particulièrement ensoleillé. Je me suis réveillé il y a quelques instants et reste sous la couette. Je tourne la tête vers N. à coté de moi, elle dort encore mais commence à bouger et ne va pas tarder à se réveiller. Dans son dernier mouvement, elle se retourne, propulse son bras autour de moi et viens poser sa joue sur mon épaule son visage face au mien. Elle se réveille. Nous nous regardons un instant. Nous nous posons intérieurement la même question. Et nous choisissons tous les deux a même réponse. Nous nous embrassons. Elle est douce. Elle est chaude de son sommeil. Petit à petit, ce baiser appelle des caresses et ces caresses rapprochent nos corps. Nous faisons l'amour. Longuement. Doucement. Dans un silence religieux.

A l'issue de cet épisode, sans que je puisse me souvenir du détail de notre séparation, nous passons le week-end chacun de notre coté. Peut-être un peu par honte de ce que nous avons fait. Par gêne également, certainement. Je passe la journée du samedi dehors, à marcher, à prendre l'air, à avaler des kilomètres de bitume. Je marche sans but. Ou plutôt avec le but de penser à autre chose. À elle. À ma femme. Ma tendre compagne disparue. Je ne formule pas les mots mais je lui demande pardon. Des larmes coulent certainement sur mon visage mais je n'y prête pas attention. Je continue de marcher de quartier en quartier toute la nuit. Au petit matin, je me dirige machinalement jusque chez moi. Je rentre, épuisé, et je m'endors tout habillé sur mon lit.

Quelques coups frappés sur la porte me tirent de mon sommeil. La nuit est tombée. Je vais ouvrir. Elle est là, les yeux baissés, je remarque qu'ils sont rouges, elle a sans doute pleuré comme je l'ai fait. Je lui dit d'entrer. Nous nous installons dans mon salon, côte à côte sur le canapé. C'est assez étrange. Je n'ai plus l'habitude d'être chez moi. Je n'ai pas non plus l'habitude d'être avec elle ailleurs que chez elle. Elle m'explique qu'elle ne sait pas quoi penser de ce qui s'est passé. Elle repense à son homme, il lui manque. Elle m'explique qu'elle s'est fortement attaché à moi. Qu'elle ne sait pas quoi faire. Elle me dit qu'elle regrette à la fois ce qui s'est passé mais elle affirme aussi qu'elle a aimé ce moment d'abandon l'un à l'autre, qu'elle le referai avec autant de plaisir et d'envie et qu'elle le regretterait à nouveau. Elle me dit qu'elle veut me laisser le choix aussi, elle de toute façon ne saura pas choisir. Elle m'explique que dans son sac, elle a ramené ma brosse à dent, je n'ai qu'à décider de la suite. Tout le temps qu'elle parle, elle n'ose pas me regarder, elle garde les mains sur les genoux, les yeux fixés sur le sol. Lorsqu'elle arrête de parler, nous ne bougeons pas, je continue de la regarder, espérant qu'elle lèvera les yeux. Je finis par l'entourer de mes bras et l'attirer à moi. Je lui réponds enfin. Je lui dis que je partage son dilemme. Je ne suis sûr de rien non plus. Et pourtant, je veux continuer de la voir, de la connaître, de partager toutes ces choses avec elle. Je lui dit que ma femme me manque aussi, que je voudrais qu'elle soit encore là. Mais je lui dis que je veux continuer. Je lui dis que j'aimerais que ma brosse à dent reste chez elle. Je serais aussi heureux qu'elle amène la sienne chez moi.

Je ne sais pas encore combien de temps nous continuerons. N. et moi sommes aujourd'hui un couple je pense. Nos amis ont encore du mal à l'accepter je crois. Ils sont simplement surpris je pense. Je suis heureux si tant est qu'on puisse l'être après la mort de l'amour de sa vie. Nous naviguons encore entre nos deux appartements, nous sourions maintenant tous les jours. Je crois que nous sommes amoureux.

Avant et après

Trente ans avant, à la maternité. Je n'étais pas très beau m'a-t-on dit. La vie devant moi.

Vingt-cinq ans avant, premières amours. La maternelle, la cour de récré, les bisous.

Vingt-deux ans avant, je ne sais pas me décider. Je change d'amoureuse tous les deux jours. Ou tous les deux mois quand je tombe sur la femme de ma vie.

Dix-huit ans avant, premier vrai baiser. Elle a cinq ans de plus que moi, ses lèvres sont douces, chaudes, moelleuses. Je me perds dans ce baiser. Ça ne dure qu'un instant et elle repartira quelques jours après dans son lointain pays.

Seize ans avant, je jouis pour la première fois en me masturbant. C'est à la fois une surprise et un choc. Une telle concentration de plaisir qui explose d'un coup!

Douze ans avant, je retrouve la fille de ce premier baiser. Et elle m'offre ma première fois. Je me perds en elle, et elle se perd en moi. Deux mois d'une relation douce et violente, passionnée et sans réels sentiments. Deux mois, deux pays, des centaines de rencontres matin, midi ou soir. Leçons de choses.

Onze ans avant, une passion, six mois et puis une claque. Une grosse claque. La femme de ma vie me largue. Je suis désemparé, perdu.

Dix ans avant, je m'en rends compte enfin. Tu es celle dont tout le monde parle depuis toujours, La femme de ma vie. Nous nous sommes tourné autour quelques semaines, de notre premier baiser ont découlé nos premières caresses, mon premier cuni avec toi, ta première pipe avec moi, notre première capote, notre première levrette et notre premier orgasme commun. Tout ça pour notre première nuit.

Quatre ans avant, nous nous marions. Une journée entourée de nos familles et de nos amis. Nuit de noces fougueuse, voyage de noces ponctué d'actes sexuels entre adultes consentants.

Vingt-et-un mois avant, tu es enceinte. Tu me dis avec un sourire que ça a du arriver lors de ce week-end en Normandie pour un mariage. Je me souviens que nous sommes arrivés en retard à ce mariage parce qu'en te voyant dans ta robe je n'avais pu m'empêcher de te dire que j'étais amoureux et irresistiblement attiré. J'avais relevé cette robe et avait commencé à caresser le coton de ta culotte, tu l'as enlevée, déboutonné mon pantalon et glissé mon sexe en toi, appuyée sur une commode. C'est comme cela que nous avons conçu Sarah.

Un an avant, notre fille naît à la maternité. Tu es toujours plus belle, toujours plus rayonnante.

Un mois avant, tu es de nouveau enceinte. Cette fois c'est dans notre lit que nous l'avons fait, je voulais jouir dans ta bouche, tu as préféré me garder en toi...

La veille, nous sortons au théatre, nous allons voir une pièce qui nous fait rire, nous partageons un kebab en rentrant, nous rentrons chez nous, nous déshabillons, nous glissons dans le lit et nous endormons le sourire aux lèvres dans les bras l'un de l'autre.

Le matin même, je t'embrasse sur le front en partant, tu m'entoures de tes bras, je t'embrasse, tu m'attires dans ce lit, j'ai envie de toi, tu me dis "moi aussi", je défait la boucle de ma ceinture, baisse mon pantalon et te pénètre. Tu gardes ta chemise de nuit, nous faisons l'amour doucement, tendrement. C'est toi qui vient sur moi et me fait jouir. Je me sens au chaud en toi. Tu te décales et me rhabille. Je pars travailler et toi tu as pris ta journée.

Une heure avant, tu m'appelles et me proposes de dîner avec des amis au restaurant le soir. Je dois choisir le restaurant et réserver. Toi tu ne sais pas, tu n'a pas d'idée.

Une demi-heure avant, je pars en réunion, tu sors faire quelques courses.

Cinq minutes avant, je reçois un SMS en réunion "j'ai trouvé un pantalon trop top".

Le conducteur ne t'as pas vue t'engager sur le passage piéton, lorsqu'il te voit, tu es face à lui, il pile et n'a pas le temps de s'arrêter ni de t'éviter.

Cinq minutes après, les pompiers sont là. La caserne est à coté.

Un quart d'heure après, tu es dans l'ambulance, dans un état critique me dira-t-on.

Une heure après, tu décèdes à l'hôpital.

Le soir, un ami m'appelle pour avoir des nouvelles du restaurant, il n'arrive pas à te joindre sur ton téléphone et il me dit que j'étais sensé réserver le restaurant. Un long silence... Je lui dis d'un ton monocorde que c'est annulé, que tu es morte et que je le rappelerai. Je m'écroule, térassé.

Le lendemain matin, je me réveille en sursaut. Je réalise que c'est un cauchemar et puis tu n'es pas là. Ce n'est pas un cauchemar finalement...

Un mois après, j'ai fini par reprendre le travail. J'ai tenu a garder Sarah auprès de moi. Le plus difficile était de l'entendre te réclamer sans cesse.

Un an après, la routine. Ma fille, le boulot, les week-ends à la campagne. Une sorte de zombie...

Deux ans après, je rencontre Louise. La trentaine, souriante, douce, nous nous entendons bien. Elle est divorcée et sans enfant. Elle est très gentille avec Sarah et Sarah l'aime bien. Elle s'installe rapidement chez nous. Elle rempli avec talent le rôle de maman qui manquait à ma fille. Nous ne lui cachons pas que sa vraie maman est partie. Parfois je me demande si tu m'en veux de l'avoir rencontrée.

Quatre ans après, Louise m'annonce que je vais être papa! Encore! Je ne peux m'empêcher de penser à toi. Je fonds en larme. Louise est inquiète mais comprends que je pense à toi. Elle me rassure. Quelques jours après, Sarah est très heureuse d'annoncer qu'elle va bientôt avoir un petit frère ou une petite soeur. Elle grandit vite et pose parfois des questions sur toi, c'est fou ce que ça a l'air de mouliner dans cette petite tête!

Dix ans après, je viens d'avoir une discussion avec Sarah. Elle s'est fait gronder par Louise et elle a répondu T'es même pas ma mère!. La giffle a filée. Je n'en veux pas à Louise, Sarah comprendra. Quand je suis allé la voir, elle pleurait dans sa chambre, elle est simplement triste de ne pas t'avoir plus connu et m'a dit que tu lui manquais. Je lui ai dit que tu me manquais aussi.

Onze ans après. Sarah est entrée au collège aujourd'hui. Fière comme tout. j'aurais tellement aimé que tu sois là, avec moi, pour l'accompagner.

Dix-sept ans après, Sarah obtient son bac avec mention. Elle va partir étudier en Espagne, à Barcelone. Je suis fou de joie pour elle. Tu dois être fière d'elle toi aussi...

Vingt-deux ans après, Sarah s'est faite larguée ce soir par son espagnol. L'homme de sa vie il paraît... Trois ans que ça durait. Je ne sais pas quoi lui dire, Louise a l'air de savoir trouver les mots pour la réconforter, je n'aurais pas su m'en sortir tout seul décidément...

Vingt-cinq ans après, Sarah se marie. Louise est témoin. C'est peut-être bien le plus beau jour de ma vie après-tout. Dans la nuit, en partant avec son mari, Sarah me glisse à l'oreille Maman et toi, vous allez être grand-parents. Tu te rends compte!? Tu vas être grand-mère!

Trente ans après, un ACV. C'est con. C'est vraiment con. Une sensation vraiment désagréable, ça ne dure pas longtemps et pourtant ça n'en fini pas. Remarque on a l'éternité après ça... C'est à toi que j'ai pensé en ce dernier instant.

Charlotte

Charlotte me botte
Lorsqu'elle enlève son froc
Et fourre sa motte
De diverses breloques

Charlotte est ma pote
Et elle arrête la parlotte
Quand il s'agit que je la pelote
Ou qu'elle avale ma carotte

Charlotte sait dire stop
Alors qu'elle se frotte
Sur ma queue et sans culotte
Et s'empale comme ça hop!

Charlotte est mon copilote
Et lorsque sans capote
Je subis l'électrochoc
Elle encaisse sans écope

Agathe

Agathe m'épate
Au moment où elle écarte
En très grand ses deux pattes
Pour que moi, je la mate.

Agathe jamais ne jacte
Et à toute heure constate
Que mon gland écarlate
N'a pas un goût de patate.

Agathe me gâte
Lorsqu'avec plaisir et tact
Elle permet que je tâte
Et que je goûte de sa chatte.

Agathe me flatte
Et se montre béate
Afin que gonfle ma batte
Et que toute entière l'éclate.

Fumer des joints et s'envoyer en l'air

Il y a à peu près dix ans commençait pour moi une période un peu particulière...

Fumer des joints, de façon régulière, mais non addictive, deux à trois fois par semaine, toujours entre copains. Je n'ai fait qu'une seule entorse à cette règle, j'ai fumé une fois un joint seul et j'ai bad trippé. Jamais recommencé. Du mauvais shit, de la bonne herbe, avec deux types de copains. Deux cercles d'amis. D'un coté les copains du boulot et au-delà, un job de livreur de pizza, des bad boys sympas, des histoires personnelles plutôt compliquées, une forte propension à zoner, à traîner... Une consommation festive, souvent alcoolisée également. De l'autre coté, les copains du lycée et de la prépa. Des enfants de bonne famille, des bourges comme on dit disait. Festif également comme moment, mais plus enclin également à tomber du coté du trip méditatif, affalé dans un canap' dans un hôtel particulier, à refaire le monde.

Quelques autre cercles : avec L., ce fut souvent du mauvais shit, pas de souvenir trip vraiment bon, et avec A., mon (toujours) meilleur pote, souvent de la bonne herbe, à mi-chemin entre ces deux groupes, une histoire compliquée, un monde fait et refait des dizaines de fois, affalés sur un lit superposé dans un HLM, des trips incomparables, des idées loufoques et débridées...

S'envoyer en l'air, de façon régulière, et addictive, deux à trois fois par jour. C'est également vers cette époque que j'ai commencé à avoir des copines régulières. Les périodes de vacances, les week-ends, les après-midi libres : au pieu. On veut tout tenter, toutes les positions, la pipe, le cunni, doucement, sauvagement, recommencer tout de suite, au milieu de la nuit, au réveil, derrière une porte avec du monde de l'autre coté. Tout se réglait au pieu, toutes les tensions, les non-dits. Et au final, on ne dit plus grand chose, on s'éloigne et ça ne marche plus entre nous. Enfin pour moi, pour mon expérience. Quelques fois associé au joint, sans énorme plus-value, rarement à l'alcool, pour de piètres performances, la meilleure façon reste en pleine possession de ses sens.

Aujourd'hui, je pense avoir passé le stade de la découverte de ces sensations. Je n'ai pas touché à un joint depuis deux ans je dirais et ça ne manque pas, je prends mon pied régulièrement avec ma femme et juste ma femme. Je n'ai peur que d'une chose en ce moment : la boisson. Il faudrait baisser le rythme.

Question

Quand la dépression prend-elle le dessus sur la déprime?

Je crois que je me situe à la frontière et j'aimerais basculer du bon coté...

C'est normal ça ?

La plupart des postes proposés, comprennent le pilotage de prestataires [...]

Trouvé sur l'Intranet de mon client, au rayon postes proposés. Bon au delà de l'utilisation de la virgule qui est surprenante disons, je reste choqué. Ça fait maintenant un moment que je baigne dans cet esprit (coté presta je précise) mais je trouve que cela reste choquant, je n'y vois toujours pas de bonne raison.

Je suis spécifiquement critique à l'égard de mon client actuel. Mes précédentes missions, chez d'autres clients, m'ont permit de comprendre le rôle de la prestation (ou du conseil selon la façon dont on veut considérer cette activité). Je ne comprends cette pratique que quand elle propsoe une réelle valeur ajoutée, lorsque le métier du client n'est pas celui du prestataire. En ce moment, je ne suis qu'un intérimaire. Déguisé. J'occupe un poste qui peut s'avérer critique pour le métier et la sécurité de mon client et pourtant je ne suis qu'un prestataire. Le client tombera le jour où mon collègue et moi serons partis. Nous ferons en sorte qu'il ne tombe pas trop bas (et on mettra des coussins) mais il tombera.

Finalement le métier de mon client se transforme en pilotage de prestataires. À tous niveaux : prestataires externes (éditeurs, fournisseurs de matériel ou de support, hébergeurs, etc.) mais également interne (moi). Le problème, c'est que les clients de mon client ne le savent pas et font confiance à une boîte pour faire un métier qu'elle ne fait plus. Une boîte vide. De compétences, de motivation, d'envie.

Tant pis pour eux. Tant pis pour moi tant que je suis là...

Moi B.

Un peu inquiet. Terriblement ennuyé par ce travail. Horriblement certain que cela va durer un long moment encore... Je compte les minutes jusqu'au soir. Je ne sais plus pourquoi je supporte cette situation. Plutôt que de tout envoyer balader. Ça serait tellement plus simple...

Moi R.

Je ne suis pas prestataire. Jamais. Quel déshonneur cela serait! M'asseoir parmi tout ceux-là, dans un openspace surpeuplé, avec un téléphone aux fonctions limitées, croisant le regard d'un autre prestataire dès que mon regard se relève et quelle que soit la direction ou se tourne ma tête? Rien que d'y penser, je frissonne.

Non, je suis un agent comme on dit. Un honnête employé de cette belle société. Je n'ai pas mon badge marqué d'un E rouge et gras comme ces externes qui pullulent et je ne paie pas plus cher d'admission que de plats au restaurant d'entreprise. Certes, je partage mon bureau. Mais d'une part, la densité de la population est bien moindre que du coté de l'openspace (disons qu'on mettrait bien une huitaine de ces gros lourdauds de presta dans mon bureau). D'autre part, je sais que d'ici un an, deux tout au plus, je changerai de statut, je grimperai dans l'échelle et alors... Alors, à moi le bureau individuel, avec une porte que je serais seul à décider de fermer quand je passerai un coup de fil perso (tout en laissant penser que c'est une conversation professionelle confidentielle). J'encadrerai non plus de vils prestas mais des agents, de vraies personnes qui méritent qu'on les considèrent.

Il faut bien comprendre que c'est une situation importante que la mienne. Tellement importante que je n'ai plus de temps à moi pour réaliser quoi que ce soit. Comprenez, il faut toujours gérer un problème créé par ces incapables de fournisseurs, rappeler un commercial quelconque et lui expliquer que la commande est partie, il suffit qu'elle sorte du cycle des achats, d'ici trois semaines, pour qu'elle vous parvienne. Si par contre vous pouviez démmarrer tout de suite, ça éviterai de perdre du temps. Souvent aussi, il me faut relire un document illisible qui, si il suit bien la norme documentaire de l'entreprise, reste rédigé par un prestataire et donc mérite autant de commentaires désagréables, mineurs et cassants que possible. De toute façon je leur suis bien supérieur à ces imbéciles qui ne comprennent rien à rien, il n'ont qu'à prendre exemple sur nous, et moi en particulier, s'ils veulent progresser un tant soit peu. Ensuite, il me faut gérer les comités de pilotage de ces prestations, travailler mes plus belles piques pour faire mouche le jour J, relire ces comptes-rendus illisibles, refuser toute négociation qui sortirai d'un poil du contrat négocié, c'est pas pour rien qu'on a signé un contrat. Si seulement ils étaient un peu plus compétents, je pourrais me consacrer à des tâches concrètes. Mais non il y a toujours à redire à leur travail, c'est incroyable.

Ça m'endurcit...

...on va dire

Avoir un gars con comme un con face à soi qui ne démord pas de sa position de merde, qui ne veut rien bouger, même pas imaginer que les avis des autres (et pas que de moi) peuvent avoir un semblant de bon sens... Je bout.

Disons que quand je sortirais de là, j'aurais eu un bon gros pesant d'expérience de client con et de merde. Quand je pense à H. qui disait en sortant la dernière fois qu'on aurait tout vu!

Moi O.

Je sais tout. J'ai un avis sur tout. Je sais mieux que toi. Écoute-moi j'ai raison. Je sors des chiffres du chapeau que je n'ai pas l'intention de laisser contester. J'ai toujours le dernier mot et je clos le débat d'un simple En tout cas, c'est comme ça. Tu auras beau continuer de me contredire, je ne t'écouterai plus. Je prends le journal que tu es en train de lire si je veux, de toute façon je dois le lire alors comme il est là, je ne vois pas pourquoi je devrais attendre. Et puis arrêtez de me parler de ces sujets qui ne m'interessent pas, tout le monde en parle déjà, d'ailleurs, mon avis là-dessus, qui est sans aucune contestation possible le seul avis sensé, je vais te le donner...

J'ai du mal avec certains un collègues...

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